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c'est pas cool no man
25 mai 2006

la suite

docteur_la_mort2UN petit homme , légèrement dégarni,témoigne devant la commission Vérité et Réconciliation (CVR), dans un bureau situé dans un immeuble discret du Cap (1). Il se débat pour ne pas révéler les secrets du programme de guerre biologique et chimique du régime d’apartheid. Selon de précédents témoignages, le docteur Wouter Basson inoculait du poison à des détenus = dont M. Nelson Mandela -, créait des vaccins spéciaux pour chaque « race », stérilisait des cobayes noirs et inondait les centres-villes de drogue comme l’ecstasy. Le projet du docteur Basson prévoyait la diffusion d’anthrax, de choléra, de cultures botuliques, de cyanure, d’aldikarb, de thallium, de paroxon et d’un lacrymogène appelé CR, extrêmement puissant. Des armes biologiques dissimulées dans des pompes à vélo, des tournevis, des cannes et des parapluies étaient également fabriquées. Ce projet ultra-secret, rappelant les expériences pratiquées par les nazis, était connu de certains cercles étrangers. Médecin dans l’armée, général de brigade, le docteur Basson avait participé, en 1983 à San Antonio, aux Etats-Unis, à une conférence restreinte sur la guerre biologique et chimique. Au cours des années suivantes, il s’était également rendu en visite officielle à Taïwan, en Israël, en Allemagne et en Croatie. Il était suffisamment connu des responsables britanniques et américains pour que Washington fasse savoir à l’entourage du président Frederik De Klerk, avant les élections de 1994, que son assassinat arrangerait tout le monde. En 1997, la CIA avertit les militaires sud-africains que leur homme était sur le point de quitter le pays avec son savoir-faire, ses secrets, et peut-être une partie de son arsenal mortel. Heureusement pour le gouvernement de M. Mandela, d’importantes quantités d’ecstasy et de mandrax furent trouvées dans la maison du docteur Basson, lequel put ainsi être arrêté. Plus tard, la justice le poursuivit pour fabrication massive de stupéfiants de même que pour meurtre, fraude et vols. Chargé d’une intense émotion, le dernier jour d’audience de la commission Vérité et Réconciliation n’a rien à voir avec un procès. Mais, microcosme des nouveaux pouvoirs en Afrique du Sud, la CVR illustre bien l’implacable résistance de l’ancien monde au nouveau. D’un côté, le docteur Basson, entouré de quatre avocats afrikaners corpulents et de jeunes avocats stagiaires s’agitant entre téléphones portables et messages à apporter. De l’autre, le président de la CVR, Mgr Desmond Tutu, Me Dumisa Ntsebeza, le docteur Fazel Randera, Mme Wendy Orr, le médecin légiste de Port-Elisabeth à l’origine de la révélation de l’usage systématique de la torture par la police, Mme Yasmine Sooka, une fonctionnaire blanche ayant fini par prendre conscience de son rôle dans la machinerie de l’apartheid avant de se révolter, et, enfin, des Noirs et des Asiatiques exerçant des professions libérales, ayant grandi dans l’exil et l’exclusion. Le jury écoute les mensonges répétés du docteur Basson, son refus d’apporter des réponses aux questions qui lui sont posées. « Docteur, détendez-vous. Ces allégations sont peut-être infamantes, mais elles n’ont pas été avancées pour vous provoquer, l’essentiel est que vous témoigniez sur les faits qui vous sont reprochés. Vous pouvez répondre », lui conseille Me Ntsebeza, après que le docteur Wouter Basson eut explosé de rage en afrikaner. Dans le monde étrange des vieilles affaires non élucidées, le lot habituel de l’Afrique du Sud, le docteur Basson travaille toujours pour le ministère de la défense. Lors des audiences, l’un de ses proches, le docteur Knoebel (son patron aux temps sombres de la surveillance, lui aussi toujours en poste), s’est d’ailleurs retrouvé assis par hasard dans le public à côté de l’épouse du ministre de la défense, M. Umkhonto wa Siswe, un homme dont le docteur Basson avait cherché l’élimination. Au cours de l’audience, le docteur Basson a expliqué au jury comment lui et les dirigeants de l’apartheid avaient « protégé M. Nelson Mandela » lorsque ce dernier était prisonnier. Selon lui, des espions à la solde du gouvernement avaient découvert que M. Mandela était sur le point d’être assassiné par « certains membres de l’ANC qui ne le trouvaient pas suffisamment radical ». Il était question de l’empoisonner, de l’affaiblir, de lui faire perdre ses cheveux et de lui abîmer les yeux pour lui donner l’air d’un vieillard. « Le sauver dépendait de moi », a affirmé le docteur Wouter Basson devant les membres de la commission, médusés. Pendant des heures, le médecin a toutefois expliqué à la CVR les raisons essentielles de son « important » travail : endiguer la vague de communisme soviétique et cubain qui menaçait l’Afrique du Sud. Après le cas du docteur Basson, examiné au Cap, commencèrent les audiences portant sur l’amnistie (2) et les réparations aux victimes. L’auditoire clairsemé et la faible couverture médiatique de ces sessions ne donnent pas la mesure d’une démarche qui a pourtant changé à jamais le comportement des Blancs face à l’histoire du pays. Comme le déclara l’un des ministres du Congrès national africain (ANC), « les Blancs peuvent aujourd’hui dire : je ne savais pas. Mais ils ne pourront jamais dire à nouveau : cela n’a pas eu lieu ». Le rapport final de la CVR - cinq volumes de plus de trois mille pages - rendu public fin octobre, contient peu d’éléments nouveaux par rapport à ceux déjà cités au cours des audiences qui se sont tenues pendant deux ans. En revanche, l’horreur détaillée des crimes et la barbarie de leurs auteurs dépassent de loin l’imaginable et relèvent de l’indicible. Il est tout à fait révélateur que l’un des personnages clés du régime d’apartheid, M. Frederik De Klerk, ait obtenu de la justice que la page du rapport le concernant soit retirée in extremis. Une cour devra statuer sur son cas au début de l’année prochaine, mais les membres de la CVR sont plutôt confiants. Ils estiment en effet que l’ancien président ne réussira pas à faire gommer son nom de ces pages d’histoire. Il n’est pas non plus surprenant que certains responsables de l’ANC s’en soient pris vivement au rapport de la commission. Celle-ci, si elle a dénoncé l’apartheid comme étant un crime contre l’humanité, s’en est également pris à l’ANC, l’ex-mouvement de libération, pour ses meurtres ou ses actes de torture à l’encontre de ceux qu’il considérait comme des traîtres. La CVR reste pour eux profondément impopulaire et ils considèrent que participer à ses travaux revient à faire une concession beaucoup trop importante aux vestiges d’un régime illégal (3). Le mythe de la menace communiste LE spectre du communisme, brandi par le docteur Basson et les membres des forces de sécurité de l’apartheid pour justifier tueries, tortures, enlèvements et atteintes à la dignité humaine, paraît ridicule dans le contexte de l’après-guerre froide. Il cachait en réalité une véritable obsession raciale. A l’époque, le mythe de la menace communiste était bien pratique. Aujourd’hui encore, le docteur Wouter Basson s’accroche à cette théorie. Un psychiatre, le docteur Sean Kaliski, a d’ailleurs expliqué comment l’extrême violence était devenue la norme. « Les législateurs faisaient les lois, les avocats les exécutaient, assistés par tout un tas d’autres professions. Cela finit par créer une structure normative qui légitimait les assassinats. (...) » Lors des audiences du Cap, M. Wouter Basson et ses avocats ont parfaitement incarné l’ancienne Afrique du Sud. Ils se sont montrés incapables d’affronter la vérité, une vérité qui pave pourtant le chemin vers l’amnistie que prévoit la nouvelle Constitution démocratique. De leur côté, les gouvernements occidentaux ne se sont pas vu prier d’avouer ce qu’ils avaient su ou encouragé (en matière d’armement nucléaire notamment). De même, aucun d’eux n’a présenté des excuses ni proposé de dédommagements. La personnalité à plusieurs facettes de MM. Eugene De Kock et Dirk Coetzee - deux des tueurs afrikaners parmi les plus connus et qui ont opté pour la confession, préalable à l’amnistie -explique que l’autoritarisme sous-jacent de l’apartheid ait pu en fasciner certains. L’écrivain André Brink a décrit dans ses romans l’éducation brutale imposée à ces jeunes Afrikaners. Il a montré comment les pires horreurs commises au sein même des familles ont fini par constituer une sorte de toile de fond (4) propre à banaliser les crimes de l’apartheid. La notion du mal n’était pas inscrite dans le code moral de ces jeunes. Des chèques en blanc et des voitures volées, ils passèrent au stade supérieur avec la même légèreté et commirent des actes de torture et des tueries dont la commission apprit les détails atroces de la bouche des rescapés. Des récits à la limite du supportable pour les familles des victimes. Que ces hommes puissent obtenir l’amnistie parce qu’ils s’étaient repentis, certaines familles n’ont pu l’accepter. Certes, il y eut de nombreux cas où les confessions permirent aux vieilles blessures de se refermer sur une poignée d’os enterrée au cours d’une cérémonie. Mais la veuve de Steve Biko, les filles de Ruth First et le mari de Jeanette Schoon, les deux enseignantes tuées par des colis piégés, ont refusé l’amnistie pour les assassins ou les commanditaires des meurtres de leurs proches. Eux aussi sont en quête de la vérité, une quête qui sous-tend la stratégie de l’amnistie. Mais lorsque la chaîne des responsabilités se brise, lorsqu’un homme tel que M. Craig Williamson - espion de l’apartheid et à l’origine de la mort de Ruth First au Mozambique et de Jeanette Schoon ainsi que de sa fille en Angola - peut devenir un citoyen respectable dans la nouvelle Afrique du Sud, cela veut dire que la justice est bafouée. Toute réconciliation devient alors impossible. La décision concernant M. Craig Williamson ne sera pas rendue avant le printemps prochain. On s’attend à ce que cet homme obtienne l’amnistie bien que de graves questions soient restées sans réponse : a-t-il dit tout ce qu’il savait, non seulement sur l’assassinat de Ruth First mais aussi sur ses documents mentionnant Henri Curiel - seul non-Sud-Africain cité (5) - comme agent soviétique soutenant l’ANC ? C’est cependant au chapitre économique que résident les plus grands crimes de l’apartheid. Là aussi se joue le test majeur de la réconciliation. Dans ce pays, on recensait des records d’inégalités (20 % de la population possédait 75 % des richesses) (6). Le rapport final de la commission a achevé de le démontrer : le monde des affaires est largement coupable d’avoir soutenu l’apartheid et participé à la perpétuation du fossé entre riches et pauvres. D’où la suggestion de la CVR d’instaurer une taxe de croissance, un impôt exceptionnel sur les sociétés et les revenus privés ainsi qu’un prélèvement rétroactif sur les profits des entreprises. Il fait peu de doute que les séquelles de cette époque se transmettront de génération en génération, bien après qu’aient été oubliés les noms des responsables. Ce crime contre l’humanité - puisque la ségrégation raciale a été reconnue comme telle - équivaudra sans doute, dans les annales de la honte du XXe siècle, à ceux perpétrés par l’Allemagne nazie...

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